Une fois n'est pas coutume, je vais écrire une note non pas sur les cours, la pédagogie ou encore les différents évènements passés ou à venir, mais sur un détail de ma vie.
Je vous rassure, bien que je reçoive plusieurs centaines d'emails par jour me demandant ce que je mange au petit déjeuner, cette note a un réel rapport avec ce qui nous intéresse : la musique.
Pour entendre et apprécier la musique, l'organe le plus important, je ne vous apprendrai rien, est l'oreille. Si votre oreille est en bonne santé, vous pourrez écouter et jouer de la musique, si ce n'est pas le cas, ce sera beaucoup plus difficile pour vous.
Personnellement je souffre d'acouphènes depuis juin 2007, donc d'hyperacousie quand la fatigue et le stress amplifient tout cela. Certes j'ai un passé (otites à répétition petit, pose de diabolos,tympan perforé par une tape de camarade de classe, quelques répétitions sans bouchons) mais ce n'est qu'un jour où quelqu'un à joué sur un ampli très fort près de mon oreille - enfin, il a effleuré les cordes, main gauche en étouffé, une milli seconde en somme - que mes acouphènes ont réellement commencé à se manifester. On appelle cela un TSA - Traumatisme Sonore Aigu - j'ai été pris en charge avec perfusion de haute dose de corticoïdes et vaso dilatateurs (malheureusement 72 heures après, car mon médecin traitant s'étant contenté de vérifier mon tympan, m'avait dit pour rire "le cerveau n'est pas touché", je comprenais ensuite que les médecins généralistes ne connaissent rien au TSA) . J'entends depuis, en permanence, une sorte de tttssssssssssssssssss, un bruit comme lorsqu'une TV cathodique est en marche mais le son coupé, parfois j'entends les cigales (ce qui est toujours mieux que sa belle mère) ou encore un bzzzzzzz un peu entre l'abeille et le moustique. Seules les personnes qui vivent les acouphènes quotidiennement savent à quel point c'est usant. Des fois ils disparaissent, mais en période de rhum/sinusite/travail intensif ils se décuplent.
Le matin au lever alors que la journée commence avec le bonjour de mes enfants - bzzzzzzzzzz
Je donne mes cours et je parle à mon élève, je joue avec lui - bzzzzzzzzzz
Je me couche la maison plongée dans le silence - bzzzzzzzz
Je me lève en pleine nuit pour boire un peu d'eau - bzzzzzzzzzz
Le lendemain matin - vous avez deviné...
Le truc vicieux dans les acouphènes, c'est que plus vous les entendez plus ça vous stresse, donc plus vous les entendez. Parfois c'est purement inconscient, je me rends compte que cela fait trois nuits que je dors très mal, et finalement qu'un doux brrrrrrrr comme un frigo en marche me ronfle dans l'oreille (oui parce que les bruits changent quand même sinon on s'habitue et c'est pas rigolo). On supporte moins le bruit ambiant, les cris des enfants, les conversations (et quand la conversation en question c'est votre femme qui vous parle pour la première fois depuis 48 heures parce que vous vous êtes croisés jusqu'alors, et bien il est difficile de dire non même si ça vous fatigue, alors vous écoutez quand même votre femme, vous vous répétez que vous l'aimez pour pas saisir le premier couteau qui passe). Cette semaine j'ai écouté Guthrie Govan au casque à chaque trajet en voiture, volume raisonnable pourtant, et bien la sentence divine est tombée, ca buzzzz dans les oreilles le soir. (Guthrie Govan qui, en passant, en concert joue extrêmement fort et qui d'après lui ne souffre d'aucun acouphène, monde injuste).
La mort ou le tchi tchi?
Et oui, on arrive alors, pour nous autres musiciens, mélomanes, ou simple être vivant parmi d'autres êtres vivants à se poser une question : est ce que ce soir je vais à ce concert ou je repose mes oreilles? Parce que si vous voulez que vos acouphènes disparaissent il faut prendre soin de vos oreilles mais aussi être épanoui dans votre vie, et quand l'épanouissement passe par la musique, on est, permettez moi cette expression fleurie, dans la merde. J'ai personnellement mis volontairement l'exercice de la musique en groupe entre parenthèse pendant quelques temps, le temps d'apprivoiser, de connaitre mes acouphènes, d'en avoir moins peur.
Oui parce, comprenez bien que cela fait peur. A chaque nouveau bruit, on se dit "il était là avant, lui?" "il va rester tout le temps?" parce qu'avoir l'impression qu'on vous fait une cocotte funky à la wha wha mais à un tempo de 40 et à la basse, et pas en place qui plus est, dans une oreille c'est aussi agréable que de se les coincer dans une porte (2eme expression politiquement incorrecte). Alors on commence à se dire que si on refait de la musique en groupe, même en se protégeant (ce que je fais bien évidemment) les acouphènes vont revenir, s'amplifier, durer...durer...ce qui était un plaisir devient alors quelque chose de presque terrifiant.
Les solutions?
C'est bien triste de parler de ça comme si c'était une maladie et qu'il faille organiser un téléthon demain, mais voyons plutôt quelles solutions s'offrent à nous pour vivre normalement :
le repos, pour...reposer ses oreilles mais aussi pour s'aménager des plages de calme pendant lesquelles on accepte ses acouphènes au lieu de les combattre. Depuis que j'accepte les bruits dans mes oreilles, je les "observe", m'amuse presque de leurs changements, et bien ils vont et viennent, font leur vie, comme un ado qui rentre dormir ou manger à la maison familiale sans prévenir, et me laissent mes moments de liberté (attitude inspirée de mes - très modestes - lectures sur le Tai Chi Chuan).
les protection auditives, à faire faire chez un audio prothésiste (les seules valables pour un usage à long terme) permettent de limiter l'impact de l'environnement sonore bruyant. A ne surtout pas utiliser tout au long de la journée car au contraire vous entendrez encore plus vos acouphènes, et la résonance de vos pas. Je détaillerai l'utilisation de ces bouchons un peu plus bas.
la détente en général et une vie saine (donc ne pas être musicien professionnel?!) ainsi qu'une bonne hygiène ORL (type Audispray/Ceruspray pour les oreilles, sérum physiologique pour les sinus).
Si vous cherchez quelque chose de plus "costaud" voire médical, désolé mais les acouphènes sont encore une grande inconnue dans la médecine occidentale, bien que les travaux récents ont permis de grandes avancées et même des opérations miraculeuses pour certains types d'acouphènes. Il vous reste néanmoins :
La thérapie comportementale, accompagnée ou non d'anti dépresseurs, qui peut aussi vous aider dans votre développement personnel (les anti dépresseurs sont prescrits en cas d'acouphènes insuportables, pour vivre avec ces bruits au quotidien). On ne traite alors pas les acouphènes, mais l'acceptation par le sujet pour éviter, ou traiter, la dépression.
L'ostéopathie, notamment crânienne et au niveau de la machoire, peut avoir des résultats excellents selon le praticien (je peux vous fournir l'adresse de THE ostéopathe sur Lyon non spécialisé dans les acouphènes mais excellents résultats tout de même).
La Médecine Traditionnelle Chinoise.
L'Homéopathie.
Ce sont les quatre méthodes qui ont permis des résultats concluant et qui sont recommandées par les associations et les personnes effectuant des recherches sur les acouphènes. Bien sur les médecins et les chercheurs en neuro sciences, pour la plupart formés aux méthodes classiques en occident, sont encore très peu sensibilisés et formés sur ces alternatives vous riront peut être à l'évocation de ces trois dernières, convaincus qu'ils connaissent la "vraie" médecine, médecine qui patauge complètement dans la choucroute pour le sujet qui nous intéresse ici il faut bien avouer (bien que d'énormes avancées ont été faites, et que lors des conférences on commence à entendre parler...d'ostéopathie et d'homéopathie).
Je suis récemment tombé sur un médecin généraliste qui m'a demandé de lui imprimer cet article afin d'en savoir plus sur le sujet, ce qui prouve deux choses : premièrement nos chers docteurs de famille n'y connaissent rien (on ne peut pas leur en vouloir, personne ne les a formé, et peu se forment une fois dans leur cabinet, encore moins sur ce sujet en particulier) et deuxièmement, de plus en plus s'ouvrent à ces pratiques allternatives face aux échecs de la médecine occidentale (ce n'est pas mois qui le dit sur ce coup là).
Prévention
Alors si vous n'êtes pas touché par les acouphènes mais que vous souhaitez mettre toutes les chances de votre côté (qui veut voyager loin ménage sa monture nous répétait ce brave Richard Paul Morellini), pour apprécier la musique encore longtemps voici quelques gestes simple qui peuvent réellement prévenir les dommages de l'oreille.
Ménager son oreille. Cela veut dire trois choses, la première c'est de ne pas écouter de musique ou d'environnement sonore trop fort, donc se méfier des casques/oreillettes à fort volume. La deuxième c'est de ne pas écouter trop longtemps, car il y a une relation entre le volume et la durée (on trouve ce tableau facilement sur internet, qui convertit par exemple les dommages liés à un marteau piqueur en durée de concert rock). Certaines personnes (que je connais d'ailleurs) écoutent le mp3 même en discutant avec leurs amis, il s'en suit une fatigue de l'oreille, et l'oreille a beaucoup de mal à récupérer de sa fatigue. La troisième chose c'est de s'aménager des pauses, moments de silence ou de bruit modéré, si vous travaillez dans le bruit ou une ambiance fatigante notamment (cours de musique, centre d'appel téléphonique, machinerie). On trouve sur internet des témoignages de personnes très intéressants : "je ne suis resté que 10 minutes à quelques mètres du batteur pendant la kermesse du petit dernier, et maintenant je ne peux même plus travailler dans un bureau tellement les bruits du téléphone et de l'imprimante sont insupportables" ou encore le cliché "quand je rentrais de boite ou de concert, parfois mes oreilles sifflaient le soir, mais le lendemain matin ça disparaissait, jusqu'au jour où c'est resté en permanence". Pour ma part, je suis toujours étonné quand, malgré tous ces témoignages que je relaie ainsi que ma propre expérience, mes jeunes élèves continuent pour la plupart à ne pas se proteger pendant des concerts à risque.
Porter des protections auditives. Faites sur mesure chez un audio prothésiste (85 euros le bouchon en moyenne), elles possèdent un filtre qui protègent l'oreille des traumatismes sonores tout en conservant une image sonore réaliste (donc parfait pour le jeu en groupe ou pour assister à un concert). Plusieurs atténuations sont possibles,personnellement j'ai opté pour -25 décibels ce qui permet une réel confort dans les environnement bruyant (batteur qui tape fort) tout en permettant la conversation quand les instruments s'arrêtent (remarquez qu'avec un batteur, la conversation restera limitée). Personnellement, je porte ces protections même pour bricoler, tellement c'est confortable de ne plus être agressé par les bruits d'impacts (marteau) ou fatigant (tondeuse à gazon, scie, conjointe).
Hygiène ORL et vie saine. Comme dit plus haut, les troubles de la sphère ORL jouant un rôle déterminant dans l'apparition des acouphènes, même si le facteur déclenchant est souvent tout autre (stress intense, TSA...). Eviter donc les coton tiges au profit de spray pour l'hygiène de l'oreille, et traiter les sinusites au moindre symptômes. Certes, cela fait pas trop Rock n roll, mais la pollution et tout ce que l'on peut trouver dans l'alimentation de nos jours favorisent les allergies, les rhinites et donc par extension les acouphènes (ce n'est pas pour rien si la population mondiale touchée est en perpétuelle croissance).
Gestion du stress. Les acouphènes entretenant un rapport de cause à effet et un cercle vicieux avec le stress et la fatigue, une bonne gestion de son équilibre peut suffire à éviter les troubles liés à une fatigue chronique ou tout du moins limiter leur impact si un facteur déclenchant intervient au cours de la vie. En plus vous vivrez mieux.
Ce article n'a aucune prétention médicale, exhaustive ou paternaliste, c'est juste le fruit de presque cinq année de vie commune avec mes chers acouphènes et de mes lectures sur le sujet. Parfois ils se font plus discrets, mais sont toujours là quand la maison est plongée dans le silence. Je vis avec, parfois dans la joie, parfois c'est tout sauf la joie...Certains n'imaginent pas que les conditions de travail d'un musicien peuvent être difficiles, j'espère avoir permis à certains de se sentir moins seuls, et à d'autres de mieux comprendre ceux qui vivent avec les acouphènes.
